Les Anges : A Deep Grave as a Shelter (2007)

// 20/04/2015

Par Michel Heynen

La salade bio, le jus de carotte, les cures de vitamines, c'est chouette. Mais la barbaque saignante, la bière qui mousse, les buvards qui font voir pourpre, c'est beaucoup mieux ! Nés des cendres encore chaudes des très énervés Hulk, ces Anges bien de chez nous offrent à qui aura le bon sens de leur sacrifier une grosse demi-heure une salutaire et roborative tranche de rock viandu comme on n'en sert quasiment plus en ces temps d'affadissement musical généralisé : déraisonnablement épicé, plein à craquer d'acides gras saturés, sans le moindre additif électronique, baignant dans un jus électrique sombre et épais. Pile-poil ce que réclamaient nos oreilles sevrées malgré elles, gavées à longueur de playlists radio de boustifaille un peu trop diététique.

En douze titres véloces et compacts, nos séraphins auréolés de gloire et de transpiration démontrent toute l'étendue de leur classe, aussi folle que déglinguée. Du survolté « The Worst Is Yet to Come »au menaçant « Vendetta », des ahanements torrides de « 50 Euros »aux ricanements maniaques de « Be A Man », des riffs vintage de « Illustrated Man »au piano fervent de « Boys Boys Boys », les guitares crissent, la batterie matraque, l'orgue ronfle, la basse sinue tandis que le chant, impeccable, déploie juste ce qu'il faut de morgue pour survoler les débats. Le tout se déroule en ombres chinoises, à l'abri d'un rideau de vapeur rougeoyante, dans une délicieuse odeur de soufre et de foutre mêlés ! A aucun moment de cette longue et jouissive électrocution, un ange ne passe... ou alors la cinquième, dans une pétarade magnifique !

En parlant de gros cube, les Anges réussissent même avec « Love Rider » la chanson ultime pour biker romantique, du genre à flinguer ses chagrins d'amour en faisant vrombir le moteur de sa Harley sur une plage au crépuscule, provoquant ainsi l'envol de mouettes mazoutées dont les noires silhouettes se découpent sur l'orange vif d'un ciel de carte postale : scène très triste, très belle et très bruyante. Entre mélancolie surf et déferlante stoner, ce titre phénoménal est un classique instantané.


Virtuoses, les Bruxellois jouent carrément, avec ce vrai/faux premier essai au son absolument nickel, dans la cour des grands : aussi puissants mais plus malins qu'un bon vieux garage-band scandinave style Hellacopters, aussi ludiques mais moins m'as-tu-vu que les nouveaux riches de Millionaire, ces Anges habités par le démon du rock'n'roll primitif en viennent même, titre après titre, à chatouiller les Queens of the Stone Age sur leur propre terrain. Ce n'est pas une image flatteuse mais l'inévitable conclusion à laquelle on arrive face à un disque terriblement impressionnant, dont on n'attendait rien et qui nous prend par surprise : les meilleurs ! Non, décidément, point d'exagération : jusqu'ici, chaque écoute nous a laissé - on ne sait trop comment - extatique, en nage, aphone, la bite en feu et les oreilles en sang, pris de convulsions, à moitié nu sur le parquet. Pffouu... Le temps de remettre son froc et on y replonge !

1 The Worst Is Get To Come 2:52 2 50 Euros 2:27 3 How About That (The Rise Of Evil) 3:13 4 So Typical 3:12 5 You Wanna Have It All 3:42 6 Love Rider 2:59 7 Green Light 2:48 8 Be A Man 3:34 9 Illustrated Man 3:29 10 Never Fele Lonely 2:43 11 Boys Boys Boys 2:56 12 Vendetta

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