Phil Maggi, Les monts analogues

// 02/08/2018

Par Eric Therer

Avec ‘Ghost Love’, réalisé en 2011, Phil Maggi procédait à une sorte d’ode à la réminiscence et à la résurgence. Celles de souvenirs diffus et enfouis. Le disque apparaissait comme un recueil de comptines muettes immaculées initiées dans les temps reculés et les lieux de l’enfance. La pochette du disque affichait un portait sépia d’une lointaine aïeule fendillé par le temps. L’usure du temps, ses lésions. Phil Maggi demeurerait réservé sur ses propres souvenirs, laissant à ses auditeurs le choix de formuler des hypothèses, d’entrevoir des possibles. Quatre ans plus tard, ‘Motherland’ affinait les contours d’une œuvre solaire et solitaire à travers laquelle l’intimité se révélait à la fois une faconde incontournable et un crédo.

Pour ‘Animalwrath’, édité ce printemps par le label Sur Rosa, Maggi s’est délibérément ouvert. A d’autres musiciens, tout d’abord. Ainsi a-t’il convié Oren Bloedow, guitariste d’Elysian Fields, Radwan Ghazi Moumneh (Jerusalem In My Heart, fondateur et cheville du célèbre studio montréalais Hotel2Tango), l’hyperactif batteur Tom Malmendier (L’Œil Kollectif, collectif liégeois inspiré), la performeuse Maja Jantar qui prête sa voix à plusieurs endroits, le contrebassiste Ludovic Medery et le trompettiste Lukas Vangheluwe. Il a aussi confié l’enregistrement et le mixage de l’album à Gabriel Severin lequel, outre une contribution au piano et à l’harmonium, a aiguillé la direction sonore de l’album. Maggi confie qu’il l’a façonné en agissant un peu à la manière d’un directeur sur un plateau de tournage, en n’hésitant pas à diriger/orchestrer ses musiciens : « Davantage encore que mes autres disques, j’ai conçu ‘Animalwrath’ comme un film. Ce disque reflète en réalité un désir de réalisation cinématographique que je ne me donne pas le temps de concrétiser mais que je voudrai un jour mener à bien... »

Alors que pour ses albums antérieurs, Phil Maggi se retrouvait avec une seule et même longue piste à laquelle il rajoutait des éléments et voix disparates, il a poussé ici sa démarche plus loin en découpant, en délimitant plusieurs morceaux dont certains pourraient prétendre au statut de chansons véritables. « Tant Oren que Radwan ont écrit les paroles des morceaux sur lesquels ils ont contribué. Il m’a semblé plus naturel de leur proposer de rédiger eux-mêmes les textes qu’ils allaient chanter. Pour Maja, je comptais au départ l’inviter pour la reprise de Nico, ‘Evening Of Light’, une reprise qui ne ressemble en rien à l’original et qui est dénuée de toute orchestration. Et puis je me suis aperçu que sa voix se mariait très bien à mes sons. Elle a finalement contribué à plusieurs compositions. »

Maggi s’est également essayé lui-même au chant, faisant une apparition sur la plage finale ‘The Big Note’. Un chant certes d’abord timide et hésitant mais qui, live, s’affranchit de plus en plus au fil de ses apparitions. Il aura fallu près de deux ans entre l’enregistrement et la sortie du disque, une attente justifiée par diverses contraintes. « Quand j’ai écouté l’enregistrement une fois terminé, je me suis rendu compte qu’il empruntait un peu aux divers univers que j’avais élaborés depuis plusieurs années – mon groupe Ultraphallus mis à part – remontant même avec ce que je faisais avec Yannick Franck à mes débuts. C’est un monde qui part, qui s’abandonne dans tous les sens au point où je me demande ce que j’ai vraiment fait sur ce disque… »

Au sein de sa discographie à angles variables, ‘Animalwrath’ apparaît comme un point cardinal par lequel il nous faut passer et s’arrêter un moment pour comprendre l’essence de son travail, un peu comme on se fixerait au pied du Mont Analogue de Daumal avant d’entamer son ascension.

Un disque : ‘Animalwrath’, édité par Sub Rosa
Live : samedi 4 août 2018 au Micro Festival à Liège

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