Chanson française : Focus sur Laura Cahen

// 02/06/2015

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LAURA CAHEN est née à Nancy en octobre 1990, le 19 octobre pour être précis, d’une mère juive d’Algérie et d’un père originaire d’Europe de l’est, juif lui aussi, tous deux psychiatres. Juive d’Algérie, c’est-à-dire avec des ancêtres espagnols, à la lointaine époque d’Isabelle la Catholique, d’où les cheveux et les yeux noirs, d’un noir profond et lancinant, andalou, mystique, que LAURA CAHEN a puisé à la source de cette longue lignée, avec en plus quelque chose de cette fameuse âme slave prélevé peut-être chez son père, sa mélancolie.

Car le mot qui revient le plus souvent, dans les propos de LAURA CAHEN sur elle-même et sur son art, c’est le mot mélancolie, mélancolie palpable à la première écoute de n’importe laquelle de ses chansons, et communicative. Une belle mélancolie, de cette mélancolie qui rend heureux de l’être, qui rend dense la personne qui l’éprouve et consciente d’être en vie, avec pour permanent réconfort la pensée qui l’accompagne partout que le présent est habité, qu’il contient des issues possibles et de radieuses promesses d’accomplissement, de réconciliation avec le monde et d’enchantement, de fuites dans de beaux au-delà inconnus où l’on sera délivré de nos peines.

Les au-delà rêvés que nous laissent entrevoir ses chansons sont les mêmes que ceux que font scintiller les immenses étendues maritimes dans lesquels le regard se confond, le soir, quand on est triste et qu’on se sent délaissé, ou encore les sihouettes des oiseaux hauts qui s’éloignent dans le ciel jusqu’à disparaître.
Partir, se fuir, écrire à l’instinct, comme les surréalistes, automatiquement, et percevoir dans les appels que lui lancent les profondeurs de son être l’intuition fugitive de qui elle est vraiment, au plus intime d’elle-même, voilà sur quoi se fonde LAURA CAHEN pour avancer dans la vie, s’inventer, devenir l’artiste qu’elle a toujours été, depuis toute petite.



Premières leçons de piano à l’âge de quatre ans et de violon à sept, mais elle était n’était pas spécialement assidue. C’est quand elle se met à chanter, un peu plus tard, à dix ans, qu’elle découvre pour de bon les vertus du piano, idéal pour l’accompagner dans ses premières envolées vocales. Son premier engouement musical : Aretha Franklyn. Ses parents écoutent Souchon et les Beatles, Boby Lapointe, Bashung, dont elle ne goûtera le génie qu’après coup, une fois devenue grande. Depuis, elle a ajouté à son panthéon Portishead, Barbara, Feist et Lhasa de Sela. Après le lycée, elle fait pendant un an une école de musique à Nancy, à la suite de quoi elle se lance en solo et sort bientôt son premier EP, dont les chansons, enregistrées sous la houlette du réalisateur samy osta, ont été écrites entre 2010 et aujourd’hui. LAURA CAHEN a été lauréate du Fair et Inouïe du Printemps de Bourges en 2013, une année faste. Ces trois dernières années, elle a donné un peu plus de cent trente concerts en France et à l’étranger.
Elle se décrit comme une éponge à sentiments, se nourrissant de la vie des autres, de films et aussi de livres, qui peuvent connaître d’amples répercussions dans son monde intérieur, si elle est émue. Quand elle écrit, elle part d’un mot ou d’une image et déroule le fil de ses sensations jusqu’à écrire un texte entier, dont à la fin elle découvre stupéfaite qu’il parle avec netteté de ce qu’elle est en train de vivre, et d’elle : ainsi, pas intellectuelle pour deux sous mais plutôt sensi- tive, instinctive, inquiète et un peu animale, un animal inoffensif et un peu triste, LAURA CAHEN ne part jamais du sens mais y aboutit, dans la forme finale des chansons qu’elle a écrite. Et cette forme finale est souvent puissante, elle vous emporte dans ses élans comme si chacune était une promesse de libération et qu’au bout, au bout de la chanson, au bout du voyage mélodique, visuel et vocal, au dénouement des sensations qu’elle sait créer, l’auditeur enivré serait sauvé.


Quand elle chante, la voix de LAURA CAHEN est singulière et attachante, avec une forte identité : elle s’arrondit par le fond, comme un récipient clair, cristallin, se terminant en goutte, en ample goutte. Vous voyez ce que je veux dire ? Peut-être pas. Alors disons une voix claire, aigüe et haute, avec en même temps une profondeur cuivrée qui apparaît au fond de certains mots, une dimension organique de fanfare, avec des cuivres, des trompettes, une grosse caisse, des cymbales, en plein air, sous un ciel de printemps. Il y a dans sa voix quelque chose de gracile qui se rappelle de Barbara in extremis et la convoque juste avant que le mot prononcé ne s’évapore dans l’atmosphère sous l’arrivée du suivant. Il y a dans sa tessiture quelque chose de tout juste arrivé, de frais, de cru, mais avec dedans du très ancien, des échos d’opérette, des résurgences de transistor, de 78 tours, de gramophone ancestral, et c’est ce que j’aime, personnellement, dans la voix de LAURA CAHEN, qui finalement est aussi profonde et habitée, venue de loin, que son vertigineux regard nocturne.

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