The Breath Of Life

// 21/04/2016

Par Monsieur Pchik

La première fois que j’ai entendu parler de The Breath Of life, ça devait être aux alentours de 1988. Jeune fringant corbeau habillé « SOS » de la tête aux pieds, j’avais enfin décidé de monter un band. Avec mes coéquipiers de l’époque, on essayait donc de prendre des notes à gauche et à droite. De s’inspirer un peu des autres. Je me rappelle ce que m’avait dit l’un d’eux : « Hé, on est allé au Vieux Moulin (ndlr, ancienne boîte de nuit située près de Beaumont et grand temple New Wave dans les années 80) samedi dernier. On vu un truc génial : The Breath Of Life. Des gars de Gembloux. C’est un peu dans le genre de Siouxie And The Banshees, mais la chanteuse est blonde. Il y a un morceau où elle bat la mesure sur une espèce de cloche, c’est marrant ». Voilà, j’étais donc prévenu. Il y avait, pas loin de chez moi, une blonde qui tapait sur les cloches ! Ma deuxième « rencontre » a eu lieu une année plus tard, sous un kiosque à musique, à Seraing ! Je l’avais monté mon orchestre ! Et il avait même un nom : « Candy Stripe ». On essayait de se caser partout. Même dans les festivals « kiosques à musique » ! J’ai gardé pieusement l’affiche. Elle avait de la gueule. Jugez plutôt : Les Slugs, Candy Stripe, Toy Voices, Casual Sanity … Et en tête d’affiche : The Breath Of Life. Je n’ai pas eu l’occasion d’assister à leur concert. On devait prendre le train pour rentrer ! Personne dans Candy Stripe n’était motorisé ! En 1990, j’en étais déjà à mon troisième split et je cherchais un batteur. La vie est parfois simple comme un coup de fil : « Bonjour, je m’appelle Patrick Laurencin et je suis l’ancien batteur de The Breath Of Life, je ne sais pas si tu connais ? J’ai décidé d’arrêter avec eux. Ils préfèrent prendre une boîte à rythmes. Là je suis disponible ». J’ai bossé longtemps avec Patrick. Il était resté en très bons termes avec ses ex-collègues. J’ai donc eu la chance de les rencontrer physiquement.


Des gens merveilleux. De vrais artistes passionnés comme je les aime. Isabelle Dekeyser, la charismatique et troublante chanteuse à la voix haut-perchée. Philippe Mauroy, guitariste sauvage, talentueux et inventif. Patrick Hendrix, l’ingé-son à l’oreille d’or et aussi manager, le roi de la débrouille. Et les deux « anciens » : Benoît Sokay à la basse et Giovanni Bortolin (un surdoué aussi timide que virtuose) aux claviers et violons. Ces deux-là étaient déjà très expérimentés. Ils avaient notamment œuvré au sein de « Jo Lemaire + Flouze ». Giovanni peut même se targuer d’avoir été un « vrai » musicien professionnel rétribué. Et ce, lors de son passage dans les « Gangsters D’Amour ». Pendant dix ans, j’ai été un fan inconditionnel. J’allais les voir dès que possible. Leur victoire au concours « Verdur Rock » de Namur en 1990 avait bien lancé leur carrière en Belgique francophone. The Breath Of Life tournait régulièrement dans les festivals « subventionnés ». C’était l’époque des « Pizzas Crushers », « Marka », « Betty Goes Green » … Et tout ce petit monde, aux univers musicaux pourtant très différents, se retrouvait malgré tout à partager les mêmes scènes. Souvent ça se passait bien, mais parfois non. Les fans de Rapp ou de Funk Métal n’aiment pas forcément les musicos à tendance « dark wave » avec une boîte à rythmes. Je me souviens d’une fin de concert très houleuse du côté de Louvain La Neuve… Heureusement que dans la « Breath Of Life team », il y avait aussi Vincent Hubeaux, photographe de son état et garde du corps à ses heures. Le grand tournant du groupe se situe en 1991. Grace à une petite annonce parue dans feu « Rock This Town » : « organisateur en Tchécoslovaquie (ndlr, c’était encore l’époque du rideau de fer et de la guerre froide) cherche groupes d’Europe de l’ouest ». Philippe saute sur l’occasion et envoi un petit dossier de presse. Bingo ! The Breath Of life effectue une tournée de deux semaines. Prague, Bratislava, Pilzen … Un énorme succès. C’est le début de la carrière internationale du groupe. Un album live : « Live In Praha 92 » immortalisera cet instant et scellera d’ailleurs une amitié indéfectible avec les tchèques et slovaques.


A partir de là, tout s’emballe. The Breath Of Life enregistre son premier album studio (six autres suivront), signe sur un label suisse réputé, travaille avec un producteur fabuleux : Gilles Martin (à qui l’on doit entre autres le son de : Tuxedemoon, Minimal Compact, Miossec, Indochine, …). Les tournées et concerts s’enchaînent à un rythme soutenu : France, Pologne, Hongrie, Allemagne, Italie, Danemark, Espagne, Angleterre … Et même en Lituanie ! En dix ans, The Breath Of Life trouve son public et devient une référence dans le milieu dit « gothique » en côtoyant des pointures comme : Killing Joke, The Jesus And Mary Chain, Play Dead, Lacrimosa, Placebo, And Also The Trees, A Clan Of Xymox …
Début 2002, le destin frappe à ma porte : « Toc toc, c’est moi Philippe. J’arrête, j’ai des propositions de boulot à l’étranger, je ne peux plus assumer la musique et le taf. Si ça t’intéresse, je te laisse la place. Techniquement et humainement, tu es celui qu’il faut ».
Je n’ai eu (et j’ai toujours) qu’un mot : merci ! Quinze ans de bonheur musical. J’ai eu la chance d’enregistrer deux nouveaux albums, fouler de superbes scènes, découvrir des endroits aussi insolites qu’intéressants, converser avec des gens différents et passionnants …

Mon incorporation dans The Breath Of Life a été un événement majeur dans ma vie. Cela m’a rendu plus intelligent (ou moins con, c’est comme vous voulez), plus sensible … Je suis devenu un meilleur humain. Cela peut paraître pédant, mais je le crois sincèrement. L’histoire n’est pas finie. Le groupe affiche maintenant 31 ans au compteur (la naissance officielle est datée de 1985). Des musiciens y sont passés (je pense principalement à Marc Haerden, batteur de 2010 à 2015), d’autres sont restés et d’autres sont revenus. Comme Philippe Mauroy, qui finalement, tel le fils prodigue, est rentré à la maison. Je ne sais pas quand cela se terminera. Mais j’ai l’impression de vivre la même passion qu’à mes 17 ans. Sans tapage, sans médiatisation, The Breath Of Life continue sa carrière. Une centaine de personnes en moyenne à chaque représentation. Oui bien sûr, ce n’est pas Wembley. Mais une centaine de personnes partout en Europe (comme notre date à Athènes en octobre 2015)…
Allez, c’est pas mal quand même non ?


Passez toutes et tous une excellente semaine belge sur Radio Rectangle.

Didier Cz, 18/04/2016.

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