Monsieur Pchik a testé pour vous #15 : Erwin VonVox & ses Vulpurados et New Order

// 29/11/2015

Par Monsieur Pchik

Erwin VonVox & ses Vulpurados au Belvédère (Namur, samedi 24/10/2015) et New Order à l’Ancienne Belgique, (Bruxelles, vendredi 06/11/2015).

Jadis, je fus l’heureux propriétaire d’une petite automobile japonaise. Une blanche. C’est bien connu, ce sont les voitures blanches qui galopent le mieux. Un peu comme les chevaux. D’ailleurs, à ses rênes (ou à son volant, c’est selon), je m’imaginais souvent en preux chevalier Ivanhoé. Embrochant un à un ses adversaires en armures devant les yeux admiratifs de sa belle promise princesse.

Ou encore en Napoléon Bonaparte foulant la terre encore fumante d’Austerlitz sous le soleil (parce que c’est bien connu, à Austerlitz, il fait toujours soleil) et les hourras de ses fidèles hussards.

Bref, mon intrépide chevauchée s’est arrêtée tout nette un soir de décembre, le long d’une lugubre route de campagne bruxelloise. Le diagnostic du vétérinaire fut sans appel : « C’est la courroie de distribution Monsieur. Il n’y a plus rien à faire ». Submergé par un hippique chagrin, je me résignai à héler un dépanneur. Après une glaciale et interminable attente, le camion remorqueur arriva enfin. Le convoyeur était un jeune gars sympathique comme tout. En plus, il aimait causer. Ce n’était pas pour me déplaire. Car comme nous avions au moins deux heures à tuer ensemble avant d’arriver à mon domicile conjugal (que je partage avec moi-même), autant faire connaissance. La discussion s’est vite orientée vers les ancêtres de mon chauffeur.

Il m’expliqua que son grand-père était un héros. Originaire du Maroc espagnol, il avait activement participé à la prise de pouvoir de Franco pendant la guerre civile de 1937/1939 en intégrant son armée des Canaries. L’expression « héros » m’interpella bien évidemment. Mais je laissai mon interlocuteur aller jusqu’au bout de son récit sans l’interrompre. La voix tremblante d’émotion sincère, il me raconta comment son aïeul avait « repris » une position ennemie, une colline remplie de « terroristes ». Pour ce fait d’armes, il avait en effet été décoré. De Madrid, il avait même perçu, jusqu’à sa mort, une pension d’ancien combattant. Vous auriez fait quoi à ma place vous ? Hein ? Bien sûr que j’ai eu envie de lui expliquer que son gentil papy s’était visiblement fait embrigader par le « mauvais camp ». Que le caudillo Franco était un criminel de première catégorie. Que les « terroristes » en question étaient des républicains défenseurs des valeurs démocratiques. Mais je n’en n’ai pas eu le courage. Pas par peur, non, du tout. Simplement je ne voulais pas lui faire de la peine à mon dépanneur. On lui avait raconté l’histoire de son grand-père de cette façon. Il y croyait, il n’y avait pas une once de méchanceté ou de haine dans ses propos. Il était fier et heureux de m’exposer tout ça. Je ne voulais pas briser son rêve en lui imposant ma version des faits. Et j’ai préféré le laisser dans sa méconnaissance historique et fantasmée de la guerre d’Espagne.

Si je vous narre tout ceci, c’est parce que la semaine dernière, je me suis plus ou moins retrouvé dans la même situation avec Clitoria, ma petite nièce. Mais cette fois, je n’ai pas fait preuve de lâcheté intellectuelle comme avec mon dépanneur. Du haut de ses sept ans, elle m’a demandé : « Dis, tonton Pchik, je peux crier Allah Akbar en rue pour rigoler ? » D’un ton ferme et vaguement paternaliste, je lui ai répondu que vu le contexte actuel assez tendu, cela était aussi intelligent que d’hurler « Heil Hitler » en pleine visite guidée d’Auschwitz. Elle m’a regardé avec deux énormes points d’interrogation dans ses beaux grands yeux bleus. Et là je ne me suis pas débiné. J’y suis allé franchement. En en temps record, je lui ai décortiqué les horreurs du nazisme, les camps de la mort, la Shoah, les grandes guerres, le terrorisme, les fous de dieux, les dieux fous. Les fous tout court. En gros, la bêtise génocidaire de l’homme depuis que le monde est monde. Je ne sais pas si elle a tout compris. Mais la pauvre petiote s’est rendu compte que dans la vie, il n’y avait pas que des gentils poneys roses. Cela m’a rendu triste sur le coup. On est allés manger une glace à trois boules. Faut profiter tant qu’on peut.

Et le concert dans tout ça me direz-vous (oui, parce que là, je me rends bien compte que je m’écarte un peu du sujet)?
Et bien comme je me sens d’humeur généreuse, vous en aurez deux pour le prix d’un, bande de veinards. Mention spéciale à Erwin VonVox et ses Vulpurados.

N’étant pas un grand fan de « rock en français », ces gars ont malgré tout réussi à me passionner pendant plus d’une heure. Chapeau bas ! Un quatuor classique chant/guitare/basse/batterie. Des musiciens très au point et qui ont de la bouteille. Les influences lorgnent sur des classiques comme Téléphone, Taxi Girl, Bashung et surtout Paul Personne pour les relents blues assez omniprésents dans leurs compositions. Quelques hits potentiels à leur répertoire dont l’irrésistible « La même guitare que Johnny Hallyday ».

La voix d’Erwin me fait beaucoup penser à Jean-Patrick Capdevielle, pour ceux qui s’en souviennent.

Un combo à découvrir absolument et qui mériterait d’être largement diffusé en radio. Petite remarque personnelle : à l’heure d’aujourd’hui, je ne sais toujours pas ce qu’est un Vulpurados.

New Order, c’est un groupe essentiel pour moi. J’ai parfois l’impression que toute ma « culture musicale » vient de là. C’est dire si pouvoir enfin les voir en concert me tenait à cœur. Evidemment, dommage que Peter Hook ne fasse plus partie de l’aventure.

Tom Chapman fait de son mieux pour faire oublier son inimitable jeu de basse/banjo et au final, ça passe. Un set avec des bas (les morceaux faiblards de leur dernier album), mais surtout des hauts. Très très hauts ! Ces immortels hymnes que sont « Ceremony », « The Perfect Kiss », « Bizarre Love Triangle », « Your Silent Face ». Les tubes historiques « True Faith » et « Blue Monday ». Et en rappel, deux reprises de Joy Division : « Atmosphere » et « Love Will Tear Us Apart ». De quoi vous faire rêver que l’être humain n’est pas toujours un barbare sanguinaire.
A la prochaine … Ou pas !

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