Bouges de la

// 31/01/2016

Par Catherine Colard

Petite, à l'école, j’adorais les dictées. Quelques années plus tard, je suis toujours très à cheval sur l'orthographe.

Je suis de celles-là, les sensibles à l’accord parfait, les amoureuses du plus-que-parfait, celles qui s’enfuient au galop à l’approche textuelle du moindre étalon boiteux du Bescherelle.

Et je ne suis pas la seule à voir le mal dans le mâle qui faute. Une étude très sérieuse, menée récemment par le site de rencontres Gleeden, affirme effectivement que pour 36% des femmes, l'orthographe et l'expression écrite du prétendant sont des qualités primordiales en matière de relations extra-conjugales. Ainsi, un homme qui ferait plus de 3 fautes d'orthographe par phrase serait automatiquement disqualifié, selon 72% des femmes interrogées. Je ne suis pas très chiffres...


Sus aux grévistes du Grevisse! Haro sur les amants mous du chou, joujou, bijou! Du fond de mon Bled, je zappe les types qui entretiennent une relation manifestement ambiguë avec l’orthographe, par email, texto, Post-it, voire La Poste.

Je reconnais mon sang à ce noble courroux, même quand je n’ai pas mes règles. Car une bonne orthographe n’est-elle pas l’élégance des nuances et le plaisir de l’âme? Bref, bien se servir de sa langue est la moindre des corrections en matière de séduction et c’est impératif pour me plaire, Robert.
Ah, l’impératif! Parlons-en.

Va, cours, vole et nous venge
Outre les gens qui se foutent éperdument de l’orthographe, ceux qui manient correctement notre luxuriante langue mais se plantent systématiquement sur les verbes du premier groupe à l'impératif, deuxième personne du singulier, m’insupportent singulièrement. Piqûre de rappel: les verbes du premier groupe à l'impératif présent à la deuxième personne du singulier ne prennent jamais de « s », sauf quand ils sont suivis de « en » ou de « y ». Pour la joliesse de la liaison.

C’est pourtant clair comme de l’Ô de source qui coule. Cet odieux « s » me donne littéralement des sueurs froides. Est-ce parce que, mine de rien, il en pleut à verse, des verbes du premier groupe? Vérifie, ils représentent carrément près de 90 % des verbes, ceux dits (et sans cédille) « réguliers » qui finissent en -er (sauf le verbe aller). Et avoue, l’impératif est un grand classique de nos échanges épistolaires virtuels au quotidien.
Ce « s » incongru est pour moi un affront d'autant plus vexant qu’il a nécessité de la part de mon Rodrigue l’effort musculaire de taper un caractère superfétatoire dans sa lettre alors que tant d’autres (en) manquent. Rodrigue, as-tu du coeur? Alors ne me le brise pas. Abrège mes souffrances et va draguer Larousse avec tes petits doigts musclés.

Et pourtant, pourtant...
Dictée par l’amour de mon prochain (prochain, si tu me lis, je prodigue en privé des cours très particuliers) et parce que nulle n’est parfaite (mes yeux saignent en me relisant), je vais te confier une de mes faiblesses orthographiques. Je suis dans les ténèbres à chaque fois que je suis amenée à écrire « enfer ». « Enfer » ou « enfers »? HELL! Ce mot brûle sous mes doigts. Il y a l'enfer et les enfers (voir Wikipédia). C’est pas ma faute à moi si j’allais fleurir tous les dimanches la grotte de Banneux (le Lourdes belge) avec ma très pieuse grand-mère, avant d’étudier les mythologies grecques et latines puis de m’intéresser aux punks ardennais, aux Illuminati, à Ma Sorcière bien aimée, à la littérature érotique et à l'art naïf haïtien.
Y'a pas de miracle et c’est un peu du pareil au même.

Et quand je donne ma langue au chat,
Je vois les autres
Tout prêts à se jeter sur moi,
C'est pas ma faute à moi,
Si j'entends tout autour de moi:
"LO, hihi, T la?"


NDLR: en hommage à Wolinski sans Y mais avec quelques emprunts à MC Solaar, Corneille (pas le chanteur) et Alizée (la chanteuse).

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