Cara? OK!

// 23/02/2015

Par Catherine Colard

Adieu veau, vache, cochon, couvée!

Cette formule agricole héritée de Jean de la Fontaine et de sa fable "Perrette et le pot au lait" m’est soudain revenue en pleine face alors même que, telle cette rêveuse de Perrette, je faisais des châteaux en Espagne en sirotant un petit porto au bistro du même nom. « Le Pot au Lait ». Non, pas « Perrette », mais ça c’est une longue histoire que les non Liégeois ne peuvent pas connaître.

C'est si bon, cette petite sensation, si bon, si bon de laisser divaguer son esprit vers des terres brûlées donnant plus de blé qu’un meilleur avril. Ces terres creusées jusqu’après sa mort par un type qui veut couvrir mon corps d’or et de lumière ou, selon l’humeur du jour, m’offrir des perles de pluie venues de pays où il ne pleut pas.
Ah, rêver un impossible rêve (ta gueule Jacques), c’est le propre des optimistes voire des utopistes, et tant pis pour le dur retour à la réalité, puisque l’imagination préserve l’espérance et l’idéal.

Fourbe, le dur retour à la réalité s’inscrivait ce soir-là dans un article de presse annonçant un séisme sociétal irrémédiable prêt à s’abattre sur la Belgique: LA Cara Pils serait morte. Ou bientôt mise en bière. Bref. Ivres, des experts en marketing de chez Colruyt auraient donc décidé de rebaptiser ce mythique fleuron de la biture à deux balles, ce joyau brut taillé pour les éthylofêtes estudiantines, les punks à chien et autres soiffards fauchés adeptes du night-shopping.

Non mais ALLO quoi! Merde alors (m’enfin, Jacques), la Cara s’appellerait désormais Everyday.

« Everyday », pour un protège-slip à la lavande, un déo à la sphaigne ou une coupelle menstruelle biodégradable, pourquoi pas. Mais pour une bière au pays de la bière où blanche, brune, blonde, ambrée, stout, ale, triple, saison, lambic, mazout, tango et j’en oublie s’invitent jusque dans le coeur des frites (Jacques, on se calme), je trouve ça un peu mou du genou.

Professionnelle de la profession des pubs et de la pub, j’entends d’ici le slogan « Une Everyday par jour, en forme toujours » sur lequel Maggie De Sous-Block, notre Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, mettrait vite son véto pour incitation à l’alcoolisme au quotidien. Le véto des chiens à punks, lui, n’en ayant rien à faire.

Ne soyons pas faux-culs.
Ex-punk de salon, je suis une pétasse à Cava. Sans me faire mousser, je n’ai jamais trempé mes lèvres pulpeuses dans une canette de Cara. Ou je ne m’en souviens pas. Et s’il m’arrive, tout comme toi, cher lecteur anonyme, d’être torchée, c’est toujours de manière subtile et très classe. Ma date de péremption approchant, je picole désormais avec élégance et des amis triés, mes binge drinkings sont sponsorisés par la Veuve Clicquot et je bois dans des verres en verre, de préférence avec pied.

Pourtant je m’insurge contre le grand capital et la déshumanisation du ferment social qui fait le ciment de notre beau pays de mousseuses traditions.

QUI oserait rebaptiser les Gilles de Binche « de la Tourette »?
QUI oserait écrire « Ceci n’est pas une pipe » sous une photo olé-olé de Simenon?
QUI se pavanerait à Cannes avec un t-shirt « Les Dardenne sont des gens bons mais pas tant que ça »?

Moi, mais bon...

Pages Facebook « Je suis Cara », levées de drapeaux, pétitions sur le net, grève générale, boycott des magasins Colruyt, #savecara, etc.
C’est petit.

N’écoutant que ma fibre citoyenne, je lance dès ce soir un grand CaraThon, avec pour marraine Zaz. Une soirée caritative en direct du Piedboeuf sur le Toit brassant une drache d’artistes consternés par ce drame humanitaire, présentée bien évidemment par Claude et Claudine Brasseur sous le parrainage de Marc Lavoine et de Cara Bruni arborant un t-shirt Cara Gerlfeld « Je suis Cara Gerlfeld ».
« Cara? OK! », ont répondu en choeur nos amis Irène, Jean-Luc Fonck, Cara Mastroianni, Bière Perret et Grand Jojo. Parce que oui, chef, on a soif.

Oups, Malt Disney m’appelle à l’instant pour dealer mon concept de CaraThon et le prix de ma pils vintage atteint un prix exorbitant sur eBay.

Je vous laisse vous mettre la tête au Carré avec une programmation rectangulaire brassée avec amour et sagesse.

A déguster sans modération, comme on dit.

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