Houmous, gloire et café

// 17/05/2016

Par Catherine Colard

And the winner is... Ce dimanche matin, j’avais incontestablement besoin d’exorciser à tout jamais le rédhibitoire manque de second degré qui fait l’ADN du glacial Eurovision Song Contest. N’écoutant que ma faim, Telex, Copycat, Duvallium, Sébastien Tellier, voire Sandra Kim et le Papa Pingouin dans mon Walkwoman, je quittai mes chimères, mes pantoufles de vair et mes pénates pour me sustenter d’un petit déjeuner crasse sans manières ni paillettes.

Au hasard des (putain de jolis) pavés liégeois, j’ai passé la porte d’un monde parallèle. Un monde où les habitués font montre à toute heure d’un air sérieux, concentré, voire mystique. Un monde hyper codé de pied en cap fait de spiritualité, de communion et de dévotion. La messe dominicale? Que nenni. Prenez ce pain, ceci est mon brunch. Le terme « brunch » (pron. /brœnʃ/) n’étant pas à entendre ici au sens de « repas convivial qui se prend le plus souvent entre la fin de la matinée et le début de l’après-midi » mais comme un véritable rituel rencontrant un succès croissant (sorte de viennoiserie basique désormais désuète).

Comment vendre de simples mouillettes revisitées à prix indus, alors même qu’à cette heure plus ou moins raisonnable on a juste cette vraie envie d’une bonne vieille fricassée des familles? En les rebaptisant « brunch », pardi! Ajoutez-y un thé/café bien packagé au nom exotique étiquetable, une pincée de poivre (blanc de Sarawak), un soupçon de sel (bleu de Perse), un trait de pauvre légume de saison cru mal brossé et quelques jolies taches arty non identifiées un rien culpabilisantes. La nouvelle grand messe de la bouffe se pose là. Entendez posée mal assise sur banc bancal en bois de designer qui te nique dans le même temps ta spiritualité et tes bas vegan créés par une copine graphiste.
Il semblerait bien que nous ne soyons pas là pour nous régaler d'un casse dalle mais bien pour RESSENTIR l’univers du casse dalle. Tu le sens bien là, l’univers conceptuel du casse dalle à vingt balles?

Tu me diras qu’il faut bien évidemment rétribuer en blinis d’ortie ouzbèque le sage et piquant DJ barristo tatoué qui réalise chaque dimanche, souvent entre la fin de la matinée et le début de l’après-midi, ce miracle de te rappeler à coups de beats et de beans bio, ton statut de has-been qui aime encore bien se mêler à la mouvance des futurs has-beans. Quitte à te la péter sur Instascope.

Est-ce que ce monde est sérieux? On se mord la queue, mon Francis. Bonne copine, adepte moi-même du recyclage des ex (voir plus haut) et des ex-bonnes idées, je ne suis pas contre l’effet «mangez-la moi ». J’aime j’aime la vie, le houmous déjà vomi, les néo-jeans déchirés de créateurs locaux à paillettes et les t-shirts pourris à 170 euros avec messages punks désuets. Mais des petits serrés alors.
Il est bien de s’y faire voir. Pas avoir.

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