Foot, ma vie rêvée des angles

// 10/06/2018

Par Catherine Colard

Mon seul point commun avec le foot est mon coiffeur. Je lui confie ma coupe et mes couleurs depuis plus de deux Mondiaux, et je le partage de bon coeur avec la charmante épouse d’un Diable rouge. Elle et moi, on se fait parfois de petits clins d’yeux mutins par miroirs interposés, avec de la bouse sur la tête. Un Hazard? Je ne le crois pas. Le foot est à un cheveu de me sauver la vie.

Tu étais mon coéquipier, mon milieu défensif, mon soulier d’or, mon sponsor de la première mi-temps. Mais l’heure est venue à la division. Fini de jouer, je me tire. Du jour au lendemain, en ce mois de juin, plus rien. Sans un commentaire ni même un tacle, j’aurai disparu de ta lucarne. Quitté tes filets. Peur de l’engagement? Manque d’objectifs communs? Que nenni. J’ai foot.

Moi qui d’ordinaire ne mange ma Quatre Saisons truffes roquette bio que chez L’Italien de mon quartier bobo – le nouvel incontournable pour les ploucs du centre-ville, ces envieux – je m’entraîne à faire une entorse digne de Kompany à ma sacro-sainte vie sociale trépidante. Au risque de perdre ma ligne de touche. Car ce satané Mondial 2018 m’offre une toute belle occasion d’enfin gagner du terrain dans l’art de cultiver mon authenticité et ma quiétude. Mon karma passera paradoxalement par une botte secrète (à crampons) d’une grande hypocrisie. Ma contre-attaque pour arriver au but est machiavélique: je me coupe du monde.

Jusqu’au 15 juillet, je rentre dans ma cage. Plutôt que de courir après le ballon de rouge qui tache dans les it-vernissages ou de transpirer à un xième concert d'audacieux mix de rap et de chanson française, je me mets au air-foot. Feignant une totale immersion dans les amusements honteux de la plèbe, je me replie sur mon clic-clac, en totale communion avec moi-même. Drapeaux tricolores aux fenêtres en guise de couverture, je me fais livrer des pizzas chimiques en carton rouge par le plus qualifié des sosies de Balotelli. A grand renfort de cris cathartiques et de boissons fermentées « we are Belgium », nous nous adonnons Balo et moi à mes passions les plus déviantes pour les chips au fromage, les trainings collants de chez Aldi, les poupées russes, le mulet et autres écarts capillotractés. Et jouons les prolongations loin des flashes et des paparazzi.

Mais chut! A ce stade, la boucle est bouclée. J’enfile mes girandoles et cours me faire la world coupe chez Victor, mon coiffeur sus-cité avant le début des hostilités. Victor? Coïncidence ? Je ne crois pas.

« On ne te voit plus dans les soirées... » Ce n’est que match remis, André.

Photo by Micheile Henderson on Unsplash

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