Passe à l’heure du thé

// 29/03/2015

Par Catherine Colard

Cette semaine, à la demande générale, j’avais prévu d’enfin lever un coin de voile sur ma trépidante vie nocturne.

Mais non, pas la danse des sept voiles, trop touchy en cette période de radicalisation textile. Plutôt sept petits sketches croquignolesques sans ambiguïté, inspirés du très sérieux best-seller de vulgarisation qui avait lui-même inspiré Woody A. pour son film « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la trépidante vie nocturne de Catherine Colard... sans jamais oser le demander ».

Mais les hasards du calendrier en ont voulu autrement.

J’avais accepté un rendez-vous au bar du *** avec mon ami *** (celui qui a un César tout froissé sur sa cheminée et un Oscar dans son imagination non moins froissée) pour célébrer l’arrivée de la saison nouvelle des amours entre 4 yeux et autour de moult Bellinis. Dimanche 2AM. Une belle heure sans doute, puisque la ville qui ne dort jamais est aussi connue pour être celle de tous les possibles...

Mais les hasards du calendrier en ont voulu tout autrement.

« En octobRE, on REcule les aiguilles de la montre, en AVril, on AVance »
, me dit la suave voix dans la radio. Le journal sous ma tasse de café noir. Les chatons sur Facebook. Mon esthéticienne tunisienne artiste de la cire moulée...
« Moyen mnémotechnique plus que moyen », me dis-je, puisque nous sommes toujours en mars.
Evitons le pathos et remettons les pendules à l’heure. En mars, attention les gars! Je change mon fuseau d’épaule au milieu du village.

Il ne s'est rien passé ce samedi/dimanche entre 2 et 3 h du mat'.

J’aurais pu mettre à profit cette heure volatilisée pour, au choix, écouter Indila en boucle de nuit, m’inscrire à une croisière Costa Concordia parce que j’ai peur de l’avion, rêver un long rêve érotique avec Samuel Benchetrit tout tatoué, aller faire du saut à l’élastique dans le Vercors, enregistrer une reprise en dubstep de « C’est le Printemps » de Pierre Perret, regarder « Chasse et Pêche » dans mon bain parfumé, effectuer quelques recherches sur Proust dans Google, faire un karaoké avec Léo « avec le temps » Ferré, réécrire les sketches de Raymond Devos. Ou même dormir. Ou même rédiger un édito.

Un choix qui m’a été chipé dans le même temps que ces 60 minutes lâchement chapardées à l’insu de mon calendrier si confortable.

J’ai donc fait montre d'impatience, dormi plus rapidement, me suis enduit le visage de crème anti-âge contre le relâchement des failles facio-temporelles, même si selon Liliane Bettencourt, les frères Bogdanov et Julian Assange, la crème anti-âge ne sert à rien. Comme le leurre d’été, la spiruline et le régime détox de Bigard. Entre nous, je ne comprends pas que ces pratiques chronophages ne soient point encore mises à l'index au même titre que le Nutella, les fringues Desigual, le surimi et le nail art.

Les sauts dans le temps ne sont pourtant jamais anodins. Jet-larguée, j’ai changé l’heure du microwave, les pneus de ma citrouille, appris que Voltaire fut maître horloger et oublié d’écrire mon édito.

Mais *** est passé à l’heure du thé.

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